Initié en 2012, le BEPS, ou Base Erosion Profit Shifting, est un imposant protocole qui lie des pays membres de l’OCDE au sein d’un « cadre inclusif » (le Inclusive Framework) et dont l’objectif est d’améliorer la transparence et la collaboration fiscale entre les pays participants. Le Canada a joué un rôle de premier plan pour le BEPS, notamment en créant le MIL, ou Multilateral Convention to Implement Tax Treaty Related Measures to Prevent BEPS, une disposition qui amende toutes ses conventions fiscales pour qu’elles intègrent l’accord sur le BEPS.
Mis en place à partir de 2015, le BEPS a permis l’instauration de deux importantes mesures :
- La déclaration pays-par-pays. Grâce à cette disposition, chaque entreprise multinationale doit produire une déclaration de revenus dans chaque pays où elle a des activités. Cette mesure permet de mieux connaître qu’elles sont les activités réelles des multinationales à travers le monde.
- Les accords d’échange automatique d’informations fiscales. Ces accords entre les pays membres du BEPS encadrent l’échange automatique des déclarations de revenus des entreprises et des contribuables entre les pays. Ainsi, un pays accueillant les activités d’un contribuable étranger transfèrera automatiquement au pays d’origine du contribuable sa déclaration de revenus.
Ces dispositions sont utiles en ce qu’elles permettent aux pays membres d’obtenir des informations précieuses et de percer l’opacité comptable des paradis fiscaux.
Il y a toutefois de nombreux problèmes avec le BEPS.
- Plusieurs paradis fiscaux sont membres du BEPS ! Pourtant, rien n’indique que ces pays pourront effectivement respecter leurs engagements et transmettre toutes ces informations fiscales, car plusieurs de ces pays ne disposent tout simplement pas des infrastructures nécessaires pour effectuer ce travail.
- Recevoir et traiter tous ces renseignements fiscaux demande d’importantes ressources. Bien que l’ARC ait bénéficié d’importants investissements dans les dernières années, des fonds supplémentaires sont toujours requis pour, entre autres, traiter ces renseignements. De plus, il faut revoir la collaboration entre l’ARC et Revenu Québec afin que le Québec puisse aussi avoir accès à ces renseignements fiscaux.
- Le processus de négociation du BEPS est problématique en ce qu’il n’inclut pas les pays en voie de développement, mais ne fait que leur imposer le cadre. De plus, les États-Unis n’ont pas rejoint le BEPS.
- L’élément le plus problématique du BEPS est qu’il n’empêchera pas les multinationales d’utiliser les paradis fiscaux pour éviter l’impôt. Le BEPS ne fait qu’améliorer la transparence, mais ne change pas les règles de la fiscalité internationale. Il sera toujours possible pour une multinationale d’optimiser abusivement ses opérations en manipulant les prix de transfert pour déclarer ses profits dans un paradis fiscal.
Les problèmes liés au BEPS montrent comment il est difficile d’arriver à une solution mondiale contre les paradis fiscaux. Toutefois, pour en finir une fois pour toute avec ce problème, il faut oeuvrer vers la mise en place de l’imposition unitaire des entreprises afin de mettre fin à la manipulation des prix de transfert.
La Independent Commission for the Reform of International Corporate Taxation (ICRICT) a aussi vertement critiqué le BEPS, ce qu’on peut découvrir ici.