Argumentaire détaillé

DÉMASQUER : NOS DEMANDES

1. Augmenter la transparence et la reddition de comptes de l’Agence du revenu du Canada

Le ministère du Revenu national, conjointement avec le ministère des Finances, doivent présenter à chaque budget un rapport faisant état des diverses avancées de l’ARC, autant en ce qui concerne la réduction de l’écart fiscal, que dans sa lutte contre les paradis fiscaux et les planifications fiscales abusives.

L’ARC produit depuis 2016 une estimation de l’écart fiscal dû aux contributions des particuliers, soit les sommes perdues par l’inobservation des règles de l’impôt et des taxes par les particuliers[1]. Cet exercice a été complété en décembre 2020 avec la publication d’estimations de l’écart fiscal dû aux contributions des entreprises et aux stratégies d’évitement des multinationales.

Ces études produites par l’ARC ne sont cependant pas suffisantes pour être en mesure de bien apprécier les efforts et les résultats des luttes contre l’évasion et l’évitement fiscal. D’abord et avant tout parce que les méthodes de calcul de l’ARC ne sont pas rendues publiques, ce qui permettrait de les évaluer et de juger de leur validité. De plus, certaines variables ont été écartées du calcul de l’écart fiscal comme l’inobservation fiscale des sociétés non résidentes[2] et l’évitement fiscal[3] ou encore en sous-estimant volontairement, pour des raisons de précision méthodologique, l’importance des paradis fiscaux dans l’écart fiscal canadien[4].

Un bon départ serait de faire état des gestes posés et de l’avancement des dossiers à la suite de révélations de journalistes comme les Panama Papers, les Paradise Papers et les Pandora Papers. Cinq ans après la publication des Panama Papers, l’ARC n’avait toujours porté aucune accusation criminelle et n’avait recouvré que 21 millions $, plaçant le Canada au 13e rang des pays ayant réussi à récupérer les montants impliqués dans ce scandale[5].

L’ARC pourrait implanter plusieurs autres mesures de reddition de comptes :

  • Présentation de statistiques segmentées par tranches de revenus. Actuellement, tous les contribuables déclarant des revenus supérieurs à 250 000 $ sont regroupés en un seul segment. Il faudrait diviser ce groupe davantage afin d’être en mesure de mieux observer le portrait fiscal des plus fortunés, en particulier pour pouvoir considérer leur taux d’imposition effectif.
  • Présenter une étude comparative des écarts fiscaux entre différents pays. De cette manière, le public pourrait savoir si le Canada fait bonne ou mauvaise figure à l’international quant à sa capacité de percevoir les impôts de ses contribuables.

Depuis quelques années, le gouvernement du Québec, à l’occasion de la présentation de son budget, publie les résultats de la mise en place de son « plan pour assurer l’équité fiscale » qui témoigne de l’application des recommandations du rapport de la commission des finances publiques du Québec[6]. L’ARC, le ministère des Finances ou le Directeur parlementaire du budget pourraient faire de même et présenter un rapport détaillé, à chaque budget, faisant état des avancées quant à la lutte contre les paradis fiscaux et à la justice fiscale en général.

2. Revoir le fonctionnement des pratiques d’opérations à divulgation obligatoire

Les programmes d’opérations à divulgation obligatoire servent officiellement à contraindre les entreprises et les particuliers à faire approuver leurs montages financiers par les autorités avant de les réaliser. Dans les faits, ils sont utilisés comme des plateformes d’essais par des promoteurs fiscaux qui testent les limites de la loi. Une fois une opération acceptée, il devient difficile de poursuivre. Le gouvernement doit s’assurer que l’esprit de la loi est conservé.

Qu’est-ce qu’une opération à divulgation obligatoire ?

Depuis mars 2021, les contribuables et les promoteurs qui ont recours à certains montages financiers doivent faire une divulgation obligatoire qui consiste à soumettre à Revenu Québec la ou les opérations fiscales qui seront utilisées dans la stratégie de planification fiscale. Pour l’instant, ce ne sont que quatre opérations qui sont visées, mais leur nombre pourrait s’accroître dans les prochaines années.

  • Évitement de l’aliénation réputée d’un bien d’une fiducie
  • Paiement vers un pays non conventionné
  • Multiplication de la déduction pour gain en capital
  • Commerce d’attributs fiscaux

L’esprit de cette loi est, bien évidemment, de lutter contre les planifications fiscales agressives et abusives en obligeant tant les promoteurs que les bénéficiaires de ces planifications à déclarer leur manœuvre à Revenu Québec.

Dans son budget 2021, le gouvernement du Canada annonçait son intention d’emboîter le pas sur cette question. À ce sujet, un projet de loi est attendu prochainement.

Quel est le problème des opérations à divulgation obligatoire ?

Il y a un risque que cette disposition qui vise à protéger la société contre des abus fiscaux se retourne contre l’intérêt public : comme c’est le cas avec les divulgations préventives, les programmes de divulgations obligatoires risquent d’être utilisés comme des terrains d’essais pour des stratagèmes qui étirent l’élastique du respect de la loi. Si le montage est refusé, aucun mal n’est fait ; s’il est accepté, il devient aisément réutilisable par d’autres contribuables ou promoteurs. Ces manœuvres ont pour conséquence de déplacer la moyenne de ce qui est considéré comme normal vers une acceptation tacite de planification plus agressive.

Ainsi, la lutte contre la planification agressive sous la forme des opérations à divulgation obligatoire crée l’effet contraire en normalisant la planification agressive.

Que demandons-nous ?

Nous demandons aux gouvernements de prendre en compte ce détournement de l’esprit de la loi et de s’assurer que les lois qui visent à fermer des échappatoires fiscales ne deviennent pas à leur tour une manière de créer de nouvelles échappatoires fiscales.

3. S’assurer que l’ARC collabore avec Revenu Québec (RQ)

Que ce soit par l’entremise de conventions fiscales ou par des Accords d’échange de renseignements fiscaux (AÉRF) ou encore les déclarations pays par pays des multinationales, l’ARC reçoit, en provenance de plusieurs pays, des informations fiscales relatives aux activités à l’étranger de contribuables canadiens et d’entreprises étant établies au Canada. Cependant, RQ n’a, pour l’instant, accès qu’à une infime partie de ces informations. Cette situation doit changer : l’ARC doit partager ces informations avec RQ.

Selon le ministre de l’Économie, Éric Girard, « actuellement, Revenu Québec [ne] peut recevoir de l’Agence du revenu du Canada (ARC) des informations découlant [que] de trois des 98 conventions fiscales conclues avec le Canada ». Ces trois conventions, signées avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne, forment une exception : chacune possède une clause ou une modalité permettant le partage des informations avec RQ.

Selon une source journalistique qui a parlé à l’ARC, « L’état actuel du droit ne permet pas à l’ARC de donner accès à Revenu Québec aux renseignements provenant des autres conventions fiscales bilatérales et des accords d’échange de renseignements fiscaux (AÉRF). Les conventions fiscales bilatérales et les AÉRF prévoient des règles pour les échanges de renseignements entre les autorités compétentes des parties signataires dont les modalités varient. Outre les trois exceptions mentionnées ci-dessus, les conventions fiscales et les AÉRF ne permettent généralement pas expressément le partage de renseignements à une subdivision politique (comme une province) sans l’autorisation de l’État concerné. »

Or, étant donné la situation exceptionnelle du Québec dans la fédération canadienne, l’absence de partage à ce niveau crée un préjudice notoire pour le Québec. Le Québec est en effet la seule province à avoir sa propre agence de revenu indépendante de l’ARC.

Le Québec a le droit de recevoir l’ensemble des informations nécessaires pour assurer le respect des lois fiscales sur son territoire. À ce titre, l’ARC doit partager les déclarations pays par pays des multinationales ayant des activités au Québec ainsi que les renseignements fiscaux et les décisions fiscales touchant le Québec que l’agence fédérale échangera ou recevra des pays partenaires du Canada.

D’ailleurs, la Commission des finances publiques du Québec recommandait, en 2017, dans son rapport sur « Le phénomène du recours aux paradis fiscaux[7] » que RQ et l’ARC améliorent leurs liens et que les deux agences s’échangent automatiquement les informations fiscales qu’ils détiennent.

Nous souscrivons à cette recommandation. Présentement, certains renseignements fiscaux détenus par l’ARC ne sont pas automatiquement communiqués à RQ lorsque les informations concernent un contribuable du Québec. Il nous apparaît essentiel qu’une courroie de transmission automatique soit mise en œuvre entre les deux agences. Rappelons les deux recommandations de la Commission à cet égard :

  • Recommandation 12 : Que Revenu Québec s’assure d’obtenir de l’Agence du revenu du Canada les déclarations pays par pays des multinationales ayant des activités au Québec et de les analyser.
  • Recommandation 13 : Que Revenu Québec collabore avec l’Agence du revenu du Canada pour obtenir les renseignements fiscaux et les décisions fiscales touchant le Québec que l’agence fédérale échangera ou recevra des pays partenaires du Canada.

4. Mettre en place un registre public des bénéficiaires effectifs

Dans un but de transparence, l’État doit rendre public un registre permettant de divulguer le nom des individus dès qu’ils détiennent 10 % des parts ou sont en position de contrôle effectif d’une compagnie, fondation ou fiducie. Le Québec est allé de l’avant en 2021 en instaurant son propre registre et le Canada prévoit déposer un projet de loi d’ici 2023 pour créer le sien. Dans les deux cas, malheureusement, le seuil d’assujettissement à ces registres est de 25%, ce qui est trop élever pour rendre ces registres efficaces.

Le collectif Échec aux paradis fiscaux a rédigé plusieurs documents au sujet des registres de bénéficiaires effectifs à l’intention tant du gouvernement du Québec[8],[9] que du gouvernement du Canada[10].

Voici un aperçu de nos recommandations à ce sujet :

Un registre des bénéficiaires effectifs permet d’augmenter considérablement la transparence corporative en rendant public le nom des individus qui profitent des activités des compagnies. Les bénéficiaires correspondent aux personnes détenant une part importante d’une entité (exemple : actionnaires, administrateurs, etc.). Les informations peuvent comprendre les noms des bénéficiaires, leur adresse de résidence et leur rôle au sein de la société. Le registre peut aussi contenir les informations passées de la société, rendre accessibles les différents documents d’audits fiscaux et fournir en quelque sorte un historique de la société.

Un tel registre dote les autorités fiscales d’un puissant outil pour s’assurer du respect du cadre fiscal en augmentant massivement la transparence commerciale et en permettant de savoir qui se cache derrière les sociétés-écrans. En rendant public un tel registre, on augmente considérablement la transparence et la confiance de la population envers ses institutions. On rend aussi caduques les sociétés-écrans, des sociétés bidons anonymes servant à cacher l’identité des propriétaires, dont les fameuses « compagnies à numéro ».

Pour mettre en place un registre efficace des bénéficiaires effectifs, il faut satisfaire plusieurs exigences. Nous nous inspirons des critères du Tax Justice Network pour revendiquer un registre canadien public des bénéficiaires effectifs qui présentera les caractéristiques suivantes :

  • Réguler les porteurs de charge. Au Canada, à l’heure actuelle, aucune règle n’encadre ni n’interdit le fait de donner la responsabilité d’une entité à autrui. Il est primordial de légiférer de manière à interdire le transfert spontané de responsabilités, afin que les autorités fiscales sachent en tout temps qui est aux rênes d’une entité.
  • Admissibilité large des bénéficiaires. Un bénéficiaire est une personne qui détient suffisamment de responsabilités au sein d’une entité pour qu’on présume qu’elle y joue un rôle important. Le seuil de 25 % des charges, actions, etc., actuellement en vigueur dans les différents registres internationaux (Royaume-Uni) et dans le registre québécois, est trop élevé et permet facilement de contourner l’assujettissement aux registres. Ce seuil doit être de 10 %.
  • Mise à jour annuelle du registre. Le registre doit être annuellement mis à jour pour que les informations soient pertinentes. Les entités qui ne respectent pas les délais doivent être pénalisées.
  • Accessibilité en ligne et ouverte au public du registre. Le registre doit être accessible au public, en ligne et en format open data pour que les données puissent être utilisées dans des outils de recherche.
  • Couverture du registre. En plus des compagnies, le registre doit assujettir les fiducies et les fondations.

5. Réclamer un cadastre financier mondial

Les différents registres de bénéficiaires effectifs ont une portée limitée tant et aussi longtemps qu’ils ne sont pas coordonnés sous la forme d’un cadastre financier mondial. Seul un tel cadastre permettra de suivre les bénéficiaires effectifs au-delà des frontières nationales. Le Canada doit s’engager publiquement en faveur d’un tel cadastre et en faire la promotion dans les instances internationales.

Dans son livre, La richesse cachée des nations, publié en 2013, l’économiste Gabriel Zucman présente la proposition d’un cadastre financier mondial. « L’un des principaux enjeux, nous dit Zucman, pour un tel cadastre serait de bien enregistrer les bénéficiaires effectifs des richesses. Tout le capital du monde appartient en fin de compte à des personnes réelles, exception faite du patrimoine des gouvernements et des institutions à but non lucratif[11]. »

Depuis 2019, cette proposition[12] est reprise par la Commission indépendante pour la réforme de l’imposition internationale des entreprises (ICRICT Independent Commission for the Reform of International Corporate Taxation) dont fait partie Zucman lui-même aux côtés d’autres économistes de renommée mondiale comme le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, Thomas Piketty, Eva Joly, José Antonio Ocampo et Jayati Gosh. La proposition est résumée par l’ICRICT de manière succincte :

« Malgré l’ampleur de la richesse cachée, l’infrastructure existante de collecte de données comprend des outils potentiellement puissants pour la transparence, notamment l’adoption récente de mesures de transparence fiscale, telles que l’échange automatique et multilatéral de données sur les comptes bancaires au niveau mondial entre les autorités fiscales, les registres publics des bénéficiaires effectifs et l’échange entre les autorités fiscales de rapports pays par pays des sociétés multinationales.

Un registre mondial des actifs (RGA) est donc proposé pour relier les données existantes et fournir les données manquantes sur la richesse.

Un registre mondial des actifs permettrait de mesurer et de comprendre l’inégalité des richesses, de faciliter des discussions publiques et politiques bien informées sur le degré d’égalité souhaité et de soutenir une fiscalité appropriée pour réduire les conséquences négatives de l’inégalité. En outre, un registre s’avérerait également un outil essentiel contre les flux financiers illicites, en mettant fin à l’impunité pour la dissimulation et l’utilisation des produits du crime, et pour la soustraction, à des fins fiscales, de revenus et de bénéfices légitimes de l’économie dans laquelle ils sont générés[13]. »

En plus de réaliser un registre des bénéficiaires effectifs sur son propre territoire, nous demandons au gouvernement du Canada de s’engager publiquement en faveur d’un tel cadastre et de partager l’ensemble des données et des ressources qu’il possède afin d’y contribuer.

6. Élargir et rendre publiques les déclarations pays par pays

Il faut diminuer le seuil d’assujettissement (présentement de 750 millions € soit ± 1,1 milliard $CA) à la déclaration pays par pays afin qu’un nombre plus élevé d’entreprises soient visées par ces programmes de déclaration. De plus, le Canada doit rendre publiques les déclarations pays par pays des entreprises.

Qu’est-ce que la déclaration pays par pays ?

Issue du programme Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), la déclaration pays par pays vise à demander à de grandes multinationales de déclarer l’ensemble de leurs activités dans chacun des pays où elles sont installées. Le but d’une telle pratique est, entre autres, de s’assurer que l’activité économique réalisée dans un pays correspond à une présence physique réelle ou à une activité économique réelle et non à une simple coquille juridique permettant de faire des opérations purement fiscales.

Selon la définition adoptée par le BEPS et reprise par le gouvernement du Canada, « La déclaration pays par pays (DPP), un élément traité dans le rapport final du projet BEPS Action 13, est un formulaire qu’un important groupe d’entreprises multinationales, ayant des revenus totaux consolidés de groupe de 750 millions € ou plus, doit fournir à l’administration fiscale de la juridiction de résidence de l’entité mère ultime du groupe d’entreprises multinationales. La DPP comprend la répartition mondiale, par juridiction, des variables clés du groupe d’entreprises multinationales, notamment : les revenus, les bénéfices, l’impôt payé, le capital déclaré, les bénéfices non répartis, le nombre d’employés et les actifs corporels, ainsi que les principales activités de chaque entité constitutive du groupe d’entreprises multinationales[14]. »

Que demandons-nous ?

D’abord, le seuil d’assujettissement à la déclaration pays par pays doit être revu à la baisse afin de capter un plus grand nombre de sociétés multinationales.

À ce jour, le seuil d’assujettissement d’une société mère pour être obligée à la déclaration pays par pays est de réaliser des revenus consolidés d’environ 1 milliard $CA (750 millions €). Avec un tel seuil, la déclaration pays par pays ne capte pas la majorité des sociétés multinationales. En effet, selon la Commission Syndicale Consultative auprès de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique, « bien qu’il représente 90 % environ du chiffre d’affaires total des sociétés, le seuil de 750 millions € ne couvre que 10-15 % de l’ensemble des groupes d’entreprises multinationales[15]. »

De plus, nous demandons que la déclaration pays par pays soit rendue publique. Dans sa mouture actuelle, telle qu’orchestrée par le programme BEPS de l’OCDE, la déclaration pays par pays n’a pas à être rendue publique, une exigence de transparence qui est pourtant nécessaire afin de permettre la vérification de ces informations par de tierces parties et d’utiliser ces données dans le cadre d’analyses sur l’état de l’économie mondialisée.

 

CONDAMNER : NOS DEMANDES

1. Pénaliser l’évitement fiscal, criminaliser l’évitement fiscal abusif et sévir davantage contre les fraudeurs et les facilitateurs

Malgré la Règle Générale Anti-Évitement (RGAÉ), l’évitement fiscal est rarement pénalisé au Canada. Dans ce contexte, on ne peut s’attendre à dissuader les fraudeurs de recourir à des pratiques d’évitement fiscal abusif. Il faut introduire des pénalités liées à l’évitement fiscal et criminaliser l’évitement fiscal abusif, tant pour les bénéficiaires que pour les facilitateurs de ces stratagèmes (firmes de placements, avocats spécialisés, fiscalistes, agents d’immeubles, etc.)

Nos lois et nos institutions ont pour responsabilité de protéger l’intégrité fiscale du pays. Il faut revoir nos lois, car elles ne permettent pas de bien lutter contre l’évitement fiscal. À l’heure actuelle, si la fraude fiscale est illégale au Canada, l’évitement fiscal pour réduire ses revenus et profits déclarés ne l’est pas. Ici, l’évitement fiscal fait référence à l’utilisation d’un avantage fiscal prévu par la loi qui va à l’encontre de l’esprit de celle-ci et auquel on recourt uniquement pour échapper au fisc. Nous proposons de modifier les lois pertinentes afin de pénaliser l’évitement fiscal et criminaliser l’évitement fiscal abusif.

La lettre de mandat publiée en décembre 2021 et destinée à la ministre des Finances semble reconnaître ce problème en ce qu’elle demande à la fois de « modernis[er] le régime général des règles anti-évitement[16] » et d’« appuyer le ministre de la Sécurité publique dans son travail visant à envisager des options pour renforcer les lois et les pouvoirs d’enquête liés aux principaux crimes financiers et à présenter une proposition visant à établir une Agence canadienne des crimes financiers[17] ». C’est un pas dans la bonne direction.

L’article 245 de la Loi sur l’impôt sur le revenu qui mentionne que la Règle générale anti-évitement (RGAÉ) ne peut être appliquée que lorsqu’il est démontré qu’il y a un évitement fiscal abusif. De plus, aucune disposition du RGAÉ ne mentionne de pénalité : de son application ne résulte que le remboursement de l’avantage fiscal obtenu.

À ce titre, la RGAÉ doit être amendée afin d’y inclure des pénalités importantes et dissuasives tant pour les contribuables qui utilisent des stratagèmes de fraude ou d’évitement que pour les facilitateurs (cabinets d’avocats, de comptables et de fiscalistes et des banques) qui offrent des services d’évitement fiscal et de stratagèmes fiscaux abusifs.

De plus, nous proposons d’amender la RGAÉ afin qu’un contribuable reconnu coupable d’évitement fiscal abusif selon la RGAÉ s’expose également à une poursuite criminelle pour fraude selon l’article 380 du Code criminel. La notion de fraude du Code criminel devrait également être bonifiée d’un article dans lequel le législateur définit ce qu’est, criminellement parlant, l’évitement fiscal abusif.

Finalement, la RGAÉ doit être périodiquement révisée afin de s’assurer qu’elle capte toutes les opérations et tous les montages d’évitement fiscal abusif. À cet égard, nous attendons de pied ferme le début des consultations sur la révision du RGAÉ, annoncées par le gouvernement fédéral en automne 2020, puis réitérées lors du budget de 2021.

Également, l’article 239 de la Loi sur l’impôt sur le revenu, qui a pour objet les activités passibles de pénalités pour non-respect de la loi, ne mentionne pas l’évitement fiscal. L’article 239 doit prévoir une disposition pour pénaliser toute opération d’évitement fiscal qui n’a pas d’autre objet que l’avantage fiscal réclamé.

De plus, les pénalités prévues à l’article 239 doivent être revues à la hausse afin qu’elles soient réellement dissuasives, autant pour les contribuables que pour les facilitateurs.

En bonifiant cet article, on ajoute ainsi une dissuasion supplémentaire à l’évitement fiscal tout en comblant des situations où la RGAÉ ne pourrait pas s’appliquer.

2. Encadrer et restreindre davantage le recours à la divulgation volontaire

Les divulgations volontaires ne doivent pas constituer un passe-droit, mais plutôt être accompagnées de pénalités à des taux pouvant atteindre 30 % des montants dus et ne devraient jamais prévoir de taux d’intérêt réduit.

Malgré le fait que l’ARC soit censée lutter contre la fraude et l’évitement fiscal, elle offre, à l’opposé, aux contrevenants les plus fortunés des occasions pour minimiser leur peine et ne pas avoir à subir toutes les pénalités concernant leurs actes. Il est impératif de changer ce régime de justice à deux vitesses qui accorde une impunité aux contribuables les plus fortunés reconnus coupables.

La divulgation volontaire permet en effet aux contribuables qui ont évité l’impôt ou pratiqué la fraude de régulariser leur situation fiscale et de payer l’impôt et les intérêts qu’ils doivent en déclarant eux-mêmes la situation. Ce programme accorde donc une impunité à l’évitement fiscal et permet aux contrevenants de se soustraire à des poursuites quand ils craignent de « se faire pincer ».

L’ARC a récemment restreint l’accès à la divulgation volontaire, ce qui est un pas dans la bonne direction, mais il faut le restreindre encore davantage. Des pénalités importantes allant jusqu’à 30 % des remboursements payés doivent être imposées à ceux qui se prévalent de la divulgation volontaire. Il faudrait également ne permettre aux contribuables qu’une seule occasion à vie de se prévaloir de cette mesure extraordinaire. Finalement, en cas de faute fiscale très grave, la divulgation volontaire devrait tout simplement être interdite.

3. Faire de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité de la politique étrangère du Canada

Les liens que le Canada entretient avec des paradis fiscaux ne sont plus à démontrer. Ces liens ne s’arrêtent pas à nos institutions financières. Nous savons, par exemple, qu’ils gangrènent la classe politique du pays (Stephen Bronfman, Bill Morneau et Paul Martin ne sont que la pointe de l’iceberg) ; tout comme ils fraient leur chemin dans les institutions politiques internationales : le Canada partage son siège au FMI avec des paradis fiscaux des Caraïbes et l’Irlande. Le gouvernement du Canada ne peut pas être pris au sérieux dans sa lutte contre l’évasion et l’évitement fiscal tant et aussi longtemps qu’il ne fera pas de la lutte contre les paradis fiscaux un pilier de sa politique étrangère.

« Le Canada ne fait pas seulement figure de pionnier dans la création des paradis fiscaux caribéens, il est maintenant en passe de devenir l’objet même de ses créatures. Bien que le dossier soit confondant, bien qu’il soit d’une ampleur exceptionnelle, bien qu’il nous saisisse, un silence opaque a longtemps régné autour des faits. S’ils en ont pris la mesure, très peu de députés ou de ministres l’ont évoqué et les différents ministères “compétents” sont restés myopes face au phénomène[18]. » C’est dans ces termes que le philosophe Alain Deneault ouvre la conclusion de son étude Paradis fiscaux : la filière canadienne nous rappelant que le Canada n’a pas seulement joué un rôle passif devant les paradis fiscaux, mais est, en fait, un des acteurs les plus impliqués et responsables de la situation actuelle.

Il n’est pas seulement temps que le Canada désinvestisse son économie des paradis fiscaux et mette au pas les principales institutions financières et bancaires du pays, mais, également, que le Canada agisse ouvertement comme un acteur de premier plan dans la lutte aux paradis fiscaux sur la scène internationale.

Le Canada n’est pas seulement un pays du G7, il est également l’épicentre des paradis fiscaux caribéens. Il a, à ce titre, beaucoup plus de pouvoir qu’il ne le laisse croire sur sa capacité à agir de manière effective sur les enjeux liés aux paradis fiscaux à l’international. Il est temps que cesse cette mascarade, que le Canada assume le rôle historique qu’il a joué et prenne dès maintenant ses responsabilités.

ENCAISSER : NOS DEMANDES

1. Limiter et encadrer les règlements hors cour

Il est essentiel de mieux encadrer la possibilité de conclure des ententes à l’amiable dans les cas de fraude fiscale avérée afin de rétablir la confiance envers les institutions publique et le système judiciaire canadiens.

L’ARC conclut parfois des ententes avec des contribuables suspectés d’avoir fraudé l’impôt afin d’éviter les frais juridiques associés à un procès. Ces ententes ont pour but de récupérer une partie des sommes d’impôt non payées. En échange, aucune poursuite ne sera menée. Comme ces ententes demeurent secrètes, il est impossible de savoir quelle est l’importance de la fraude et quels montants sont récupérés.

L’affaire KPMG est emblématique à cet égard. Dans cette affaire, l’ARC a offert aux clients de KPMG qui ont fraudé l’impôt l’amnistie générale avec des règlements hors cour en échange de la confidentialité de l’information et de l’anonymat des coupables[19]. On ignore toujours pourquoi l’ARC a procédé de la sorte, alors qu’elle avait tous les éléments pour entamer des poursuites.

Or, si les ententes à l’amiable peuvent apparaître comme une bonne affaire, elles envoient au contraire un très mauvais signal à l’ensemble des contribuables canadiens : il peut être payant de faire de l’évasion et de l’évitement fiscal. Ces ententes donnent aussi l’impression qu’il existe deux justices, l’une pour les plus riches et l’autre pour le reste de la population. De plus, cela ne peut être une stratégie acceptable qu’à court terme, puisqu’à long terme, on aurait intérêt à créer des précédents juridiques coûteux et à les rendre publics. Ces poursuites mettraient au pas les entreprises et les individus susceptibles de tenter le coup de l’évitement fiscal.

2. En finir avec la double non-imposition

Que ce soit grâce à des lois canadiennes permissives ou grâce à des conventions fiscales et accords d’échange de renseignements fiscaux (AÉRF) signés entre le Canada et un paradis fiscal, des contribuables et entreprises canadiennes sont capables de rapatrier au Canada des revenus et des profits déclarés dans un paradis fiscal sans qu’ils soient assujettis à l’impôt. Il est plus que temps que le gouvernement du Canada ferme ces échappatoires fiscales.

Abolir la double non-imposition demande une réforme en 3 étapes :

  • Changer les lois fiscales pour assujettir à l’impôt les revenus et les profits déclarés dans un paradis fiscal et rapatriés au Canada

Les lois fiscales canadiennes sont insuffisantes pour adéquatement percevoir tous les impôts sur les revenus et profits déclarés par les contribuables canadiens à l’international. Actuellement, les lois permettent à un contribuable qui déclare des revenus et des profits dans un paradis fiscal de les rapatrier dans certains cas au Canada tout en étant exonéré d’impôt[20]. Autrement dit, l’ARC peut difficilement imposer et recouvrer les sommes déclarées par un contribuable ayant recours à un paradis fiscal. À ce titre, il faut changer les lois fiscales pour assujettir à l’impôt toutes les sommes et tous les profits déclarés dans un paradis fiscal et rapatriés au Canada.

Un fort consensus social existe déjà pour la réalisation de cette revendication. D’une part, une motion unanime qui reprend cette demande a été adoptée le 14 avril 2016 par l’Assemblée nationale. De plus, la Commission des finances publiques du Québec a recommandé cette solution (recommandation 31) dans son rapport « Le phénomène du recours aux paradis fiscaux »en mars 2017. Finalement, tant le Bloc Québécois que le Nouveau Parti Démocratique défendent cette position.

  • Revoir les conventions fiscales signées par le Canada avec des paradis fiscaux

En plus de nos lois, il faut également revoir les conventions fiscales effectives entre le Canada et des pays tiers. Plus précisément, c’est le principe de la non double imposition qui est ici visé. Les conventions fiscales que le Canada signe avec d’autres pays contiennent souvent des clauses de non double imposition. Ces clauses ont pour objectif de ne pas imposer deux fois les profits des entreprises pour les mêmes activités, ce qui a du sens. Par exemple, une multinationale canadienne qui aurait des activités dans un autre pays comme l’Allemagne ou les États-Unis, lié par une convention de non double imposition avec le Canada verrait ses activités étrangères imposées soit au taux d’imposition du Canada, soit au taux d’imposition du pays étranger.

Cependant, le Canada entretient plusieurs liens diplomatiques et fiscaux troublants avec des paradis fiscaux notoires. Les clauses de non double imposition des conventions fiscales sont beaucoup moins sensées quand elles lient le Canada avec de tels états où la fiscalité est presque nulle. Dans ce cas, ces clauses deviennent des clauses de double non-imposition ! En effet, les conventions fiscales permettent aux entreprises de profiter de la quasi-absence d’impôt dans ces pays pour y déclarer leurs profits, souvent sans corrélation directe avec l’activité économique réelle qui y est effectuée. Elles n’ont pas à payer d’impôt sur profits qu’elles rapatrient ensuite au Canada, puisqu’en théorie, ces profits ont déjà été imposés dans le paradis fiscal.

  • Abolir les clauses de non double imposition dans les AÉRF

En plus des conventions fiscales en tant que telles, le Canada a aussi développé de nombreux Accords d’échange automatique de renseignements fiscaux (AÉRF). Les AÉRF ont pour mission de faciliter les échanges d’information fiscale entre le Canada et le pays signataire de l’accord. Cela dit, plusieurs AÉRF avec des paradis fiscaux incluent des clauses de non double imposition et permettent ainsi aux contribuables de rapatrier au Canada des gains déclarés dans ces paradis fiscaux sans avoir à payer d’impôt ! À ce jour, le Canada a signé vingt‑quatre AÉRF[21] avec des paradis fiscaux.

En d’autres mots, par le biais de ces accords, le Canada a combattu les paradis fiscaux… en les rendant légaux ! Pour en finir avec l’usage excessif de la double non-imposition, qui permet aux fortunes et aux multinationales de manipuler leurs opérations pour déclarer leurs gains à l’étranger dans le but de contourner l’impôt, il est temps de faire un grand ménage dans les conventions fiscales et les AÉRF canadiens et d’éliminer ceux qui permettent aux fortunes et aux entreprises de se soustraire légalement à l’impôt canadien.

3. Imposer adéquatement les entreprises multinationales

Contrairement à la proposition de l’OCDE qui établit un taux minimal de 15 %, le Canada doit avoir un taux d’imposition effectif des multinationales d’au moins 25 % et faire la promotion d’un tel minimum à l’international.

Le projet d’un impôt global minimal des entreprises multinationales a principalement deux objectifs. D’une part, il vise à s’assurer que les multinationales paient leur juste part d’impôt dans les pays où ils réalisent leurs activités économiques au lieu de déclarer leurs juteux profits dans des législations à faible taux d’imposition ; c’est le volet « impôt global ». D’autre part, le projet vise à mettre un frein à la « course vers le bas » (race to the bottom[22]) qui consiste en la compétition que se livrent les États afin de capter les investissements des multinationales, c’est le volet « impôt minimal ». Cette compétition peut prendre la forme d’une baisse de l’imposition, d’une déréglementation (sociale, écologique, etc.), de l’offre d’un avantage fiscal ou autre (subvention des salaires), etc.

La proposition adoptée par l’OCDE qui établit le taux d’imposition minimal global à 15 % ne permet malheureusement pas de réaliser adéquatement ces deux objectifs.

D’abord, la proposition a pour conséquence de normaliser le recours à des stratagèmes de délocalisation afin de réduire la charge fiscale d’une multinationale. Si un taux d’imposition minimal de 15 % permet d’envisager la fin des paradis fiscaux traditionnels qui avaient des taux d’imposition en bas de 5 %, il n’en reste pas moins qu’en se situant à 10 points de pourcentage en bas de la moyenne des pays de l’OCDE, un tel taux d’imposition envoie le message suivant : en déclarant vos profits ailleurs, il vous est possible d’épargner beaucoup d’argent. Comme l’explique l’économiste Thomas Piketty, la proposition de l’OCDE est « ni plus ni moins […] l’officialisation d’un véritable permis de frauder pour les acteurs les plus puissants[23]. »

De plus, un tel écart entre le 15 % proposé et le 25 % qui est le taux moyen d’imposition dans les pays de l’OCDE ne permet pas de freiner la course vers le bas, mais indique plutôt que les pays de l’OCDE possèdent encore une marge de 10 % pour se faire compétition alors que les effets néfastes de la course vers le bas fait déjà des ravages dans les finances publiques, dans les services de santés et d’éducation, etc. Sans compter la compétition déloyale qu’il provoque envers les entreprises domestiques de plus petite taille.

Finalement, si ce sont les pays riches qui perdent la plus grosse somme d’argent dans cette compétition fiscale, ce sont les pays les moins nantis qui sont les plus affectés, car leurs pertes correspondent à un plus grand pourcentage de leur PIB. Comme le souligne l’ICRICT : « Un taux minimum mondial d’imposition des sociétés de 25 % rapporterait près de 17 milliards de dollars de plus aux 38 pays les plus pauvres du monde (pour lesquels des données sont disponibles) qu’un taux de 15 %. Ces pays abritent 38,6 % de la population mondiale[24]. » Cette mesure est, non seulement, nécessaire pour envisager le début d’une justice fiscale à l’intérieur de cette réforme de la fiscalité internationale, mais également nécessaire pour démontrer que les pays les plus riches et les plus puissants ne réforment pas la fiscalité internationale avec en tête leurs seuls intérêts égoïstes.

4. Abolir les problèmes liés aux prix de transfert en mettant en place la taxation unitaire des entreprises

La taxation unitaire propose de réformer la fiscalité internationale des sociétés multinationales afin de les imposer sur la base de leur profit global plutôt que sur celui qui est réalisé dans chacune de leurs filiales. Les impôts à payer dans chaque pays seraient déterminés par une formule de répartition à définir en fonction de l’activité économique de chaque multinationale dans ces pays. Le Canada devrait se faire le porteur de cette idée sur la scène internationale.

Quel est le problème?

Actuellement, chaque filiale d’une société multinationale est imposée comme étant une entité distincte. Cela permet aux multinationales d’organiser leurs affaires et de procéder à des transactions entre l’ensemble de leurs filiales afin de minimiser leurs factures globales d’impôt.

Il s’agit de ce qu’on appelle la manipulation des prix de transfert. Les prix de transfert sont les prix que se facturent entre elles les filiales d’un même groupe multinational. En optimisant abusivement les opérations des filiales relevant d’une même multinationale, cette dernière peut déclarer artificiellement une bonne partie de ses profits dans des paradis fiscaux et minimiser grandement les impôts à payer. Pourtant, chaque groupe multinational constitue en réalité une seule et même entreprise, peu importe le nombre de filiales et de personnes juridiques qui la composent. Les multinationales devraient donc être imposées comme une entreprise unique.

Par exemple, Google, en 2018, a détourné près de 20 milliards € de revenus qui auraient dû être imposés sur le continent européen. Grâce à des stratagèmes qui utilisent les lois fiscales de divers pays européens, Google a manipulé ses opérations afin de déclarer le pactole aux Bermudes et n’aura pas à payer d’impôt !

Quelle est la solution?

De plus en plus de spécialistes, comme ceux de l’ICRICT[25], proposent de réformer la fiscalité internationale des sociétés multinationales afin de les imposer non pas sur les profits de chacune des filiales du groupe, mais plutôt sur la base du profit consolidé de la multinationale. C’est ce qu’on appelle le système de la taxation unitaire des sociétés multinationales.

Comment ça marche?

Avec un système d’imposition unitaire, les impôts payés par une multinationale sur ses profits consolidés seraient répartis entre les pays dans lesquels cette multinationale fait affaire.

Cette répartition serait effectuée sur la base d’une formule qui prendrait en compte divers facteurs tels que les ventes, les actifs et le nombre d’employé·e·s par pays. L’idée est de répartir les impôts perçus globalement entre chaque pays en fonction des activités réelles que la multinationale y exerce.

Il ne serait donc plus possible pour une multinationale d’optimiser ses opérations pour faire déclarer ses profits dans un paradis fiscal puisqu’elle serait imposée à la hauteur de ses profits réalisés dans l’ensemble des pays où elle est active.

Quels sont les avantages de l’impôt unitaire?

  • L’impôt unitaire simplifierait les règles fiscales internationales et mettrait un frein à la concurrence fiscale entre les États.
  • L’impôt unitaire réduirait de beaucoup l’intérêt de recourir aux prix de transfert et à l’évitement fiscal en utilisant les paradis fiscaux.

Il s’agit d’une solution radicale et audacieuse. Si le Canada ne doit pas attendre l’instauration de l’imposition unitaire pour agir sur d’autres fronts, il devrait malgré tout en faire activement la promotion. Il ferait ainsi preuve d’audace et de leadership sur la scène internationale.

 

 

[1] Agence du Revenu du Canada. « Écart fiscal : vue d’ensemble sommaire », 2020.

[2] Agence du Revenu du Canada. « Écart fiscal et résultats en matière d’observation pour le système d’impôt fédéral sur le revenu des sociétés », juin 2019.

[3] Agence du Revenu du Canada. « Écart fiscal au Canada : Une étude conceptuelle », juin 2016.

[4] Agence du Revenu du Canada. « Écart fiscal à l’échelle internationale et résultats en matière d’observation pour le système d’impôt fédéral sur le revenu des particuliers », juin 2018.

[5] Radio-Canada. « Panama Papers : Québec recouvre davantage en impôts impayés qu’Ottawa », 3 avril 2021, URL : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1782051/panama-papers-accusation-agence-revenu-quebec-canada

[6] Commission des Finances Publiques. Le phénomène de recours au paradis fiscaux, Assemblée Nationale du Québec, mars 2017, pp. 41-44

[7] Ibid.

[8] Collectif Échec aux paradis fiscaux. Pour un registre public des bénéficiaires ultime fort et audacieux, mémoire déposé dans le cadre des consultations sur la transparence corporative au Québec tenues par le ministère des Finances du Québec, décembre 2019.

[9] Collectif Échec aux paradis fiscaux. Commentaires du collectif Échec aux paradis fiscaux sur le projet de loi no 78 ; loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises, présenté à la Commission de l’économie et du travail, février 2021.

[10] Collectif Échec aux paradis fiscaux. Pour un registre public des bénéficiaires effectifs fort et audacieux, mémoire déposé dans le cadre de la consultation publique « Renforcer la transparence de la propriété́ effective des sociétés au Canada » organisées par Innovation, Sciences et Développement Économique Canada, mars 2020.

[11] Gabriel Zucman. La richesse cachée des nations, Paris, Seuil, p. 112

[12] ICRICT. A roadmap for a global assets registry, Mars 2019.

[13] Ibid., p. 3 (Nous traduisons)

[14] Agence de revenu du Canada. Orientations du Canada concernant les exigences en matière de déclaration pays par pays, mars 2020.

[15] TUAC (Trade Union Advisory Committee to the OECD). Les avantages d’un reporting public pays par pays, juillet 2016.

[16] Cabinet du Premier Ministre du Canada, « Lettre de mandat de la vice-première ministre et ministre des Finances », 16 décembre 2021.

[17] Ibid.

[18] Alain Deneault. Paradis fiscaux : la filière canadienne, Montréal, Écosociété, 2014, p. 241.

[19] Frédéric Zalac, Harvey Cashore. « Les intouchables : l’affaire KPMG camouflée à Ottawa ? », mars 2017.

[20] Le paragraphe 95(1) et le règlement 5907 de la Loi sur l’impôt sur le revenu disposent de définitions légales qui déterminent quand un contribuable ayant des revenus à l’étranger est exonéré d’impôt. Il serait possible de modifier ces articles afin que tout contribuable qui a droit à un avantage fiscal dans un paradis fiscal ne soit pas exonéré d’impôt au Canada.

Loi de l’impôt sur le revenu. PARTIE I Impôt sur le revenu ; SECTION B Calcul du revenu ; SOUS-SECTION I Actionnaires de sociétés ne résidant pas au Canada, ¶95(1)

Règlement de l’impôt sur le revenu. Partie LIX Sociétés étrangères ; §5907 Interprétation

[21] Gouvernement du Canada, ministère des Finances du Canada. Accords d’échange automatique de renseignements fiscaux, juillet 2014.

[22] Pour comprendre l’étendue du phénomène, regardez le documentaire de Brigitte Alepin Rapide et dangereuse : une course fiscale vers l’abîme.

[23] Thomas Piketty. « Le G7 légalise le droit de frauder », Le blog de Thomas Piketty, juin 2021.

[24] ICRICT. Accord du « cadre inclusif » du G20/OCDE sur la fiscalité des multinationales : une nouvelle occasion manquée, juillet 2021.

[25] ICRICT. Une feuille de route pour améliorer les règles d’imposition des multinationales : Un avenir plus équitable pour la fiscalité mondiale, février 2018.

Sources