23 janvier 2024
Alors que l’année 2024 s’entame, le collectif Échec aux paradis fiscaux se penche sur les principales questions qui animeront le mouvement de lutte en faveur de la justice fiscale. Premier arrêt : la réforme de la fiscalité internationale.
2024 sera sans doute une année transitoire dans la lutte internationale aux paradis fiscaux. De la réforme de la fiscalité internationale de l’OCDE, un seul des deux piliers a un avenir défini : l’impôt minimal mondial de 15 % est – tranquillement, mais sûrement – en cours d’implantation dans les divers pays signataires. L’autre pilier, concernant un droit d’imposition sur les surprofits des multinationales, baigne encore dans l’incertitude ; les négociations à l’OCDE semblent au point mort alors qu’achoppe la discussion autour des modalités de calcul et de redistribution de ce nouveau droit d’imposition.
En parallèle, en septembre dernier, l’ONU a adopté la résolution 78/230 déposée par le Nigéria afin de mettre en œuvre une convention-cadre sur la coopération fiscale internationale. Le programme politique d’une telle convention n’est pas encore connu, mais elle vise, d’une part, à prolonger les discussions sur la réforme de la fiscalité internationale au-delà de la réforme de l’OCDE. D’autre part, elle mise sur la possibilité de discuter de coopération fiscale entre pairs au lieu de passer au travers de la structure hiérarchique mise en place par l’OCDE qui établit une distinction nette entre pays membre et pays non membre.
Alors que tout reste encore à faire à l’ONU, des voix, comme celle du Canada, se sont déjà élevées pour s’opposer à la mise en place d’une telle convention-cadre. C’est à croire que nos gouvernements craindraient d’être confrontés au grand nombre de pays du Sud global pour qui la réforme de l’OCDE n’est que la poursuite des inégalités structurelles imposées par les élites économiques et politiques du capitalisme mondial.
Les membres du collectif Échec aux paradis fiscaux seront invités à se prononcer au sujet de leur appui à la convention-cadre de l’ONU lors de la prochaine assemblée des membres le 9 février prochain.
Québec, Canada : un horizon à définir
Au Canada, nous attendons au courant de l’année 2024 deux projets de loi au sujet de cette réforme de la fiscalité internationale. D’une part, le projet de loi entérinant le pilier deux de la réforme de l’OCDE – l’impôt minimal mondial de 15 %. Beaucoup de questions restent encore en suspens, notamment au sujet des conventions bilatérales du Canada avec des paradis fiscaux notoires. Nous espérons que les discussions autour de l’adoption de cette loi nous permettent de voir clair sur la manière dont le Canada désire négocier sa responsabilité historique dans la création de plusieurs paradis fiscaux des Caraïbes.
Le second projet de loi attendu, celui sur la « Taxe sur les services numériques », est la solution de rechange canadienne mise de l’avant en l’absence de l’implantation du premier pilier de la réforme de l’OCDE. Après des années de retard, le gouvernement Trudeau avait fixé au 1er janvier 2024 – applicable rétroactivement au 1er janvier 2022 – l’implantation de cette taxe sur le numérique. Dans son énoncé économique de novembre 2023, Chrystia Freeland réitérait son intention d’aller de l’avant avec une telle loi. Le collectif Échec aux paradis fiscaux attend avec impatience la proposition du gouvernement du Canada.
Dans la même veine, suivant les résultats insatisfaisants de la réforme de l’OCDE, l’Internationale des Services Publics (Public Services International—PSI) se met en quête de solutions unilatérales que les États peuvent mettre en place pour endiguer la compétition fiscale. L’idée n’étant pas de simplement court-circuiter les processus multilatéraux, mais de voir que ceux-ci naissent en réaction des actions fortes que des États peuvent prendre de leur propre gré.
« L’idée n’étant pas de simplement court-circuiter les processus multilatéraux, mais de voir que ceux-ci naissent en réaction des actions fortes que des États peuvent prendre de leur propre gré. »
Au Québec, jusqu’à maintenant, rien ne figure à l’agenda législatif. Cependant, les investissements majeurs du gouvernement – tant les investissements directs que ceux faits par le biais de la Caisse de dépôt et placement du Québec – font sourciller de plus en plus. Peut-être aurons-nous l’occasion d’avoir enfin une discussion sur les conséquences sociales/politiques/environnementales des décisions prises par nos dirigeants ?
Entre-temps, le collectif continue son travail de chien de garde et de recherche. Nous prévoyons quelques webinaires et peut-être même un atelier de formation au cours de l’année ! Restez à l’affût !