22 mars 2011
En cette période où les contribuables remplissent leur déclaration de revenus afin de contribuer au financement des infrastructures et des services publics, il est pour le moins révoltant de constater que des milliards de dollars échappent à l’État canadien par l’utilisation croissante des paradis fiscaux. Depuis bon nombre d’années, ceux-ci permettent aux grandes entreprises et aux très riches contribuables de contourner de façon scandaleuse leurs obligations fiscales. À titre d’exemple, la Banque CIBC, dans son dernier rapport annuel, se félicitait d’avoir pu économiser plus de 820 millions en impôts grâce à ses filiales au sein des paradis fiscaux. Quels gestes concrets les principaux partis politiques fédéraux s’engagent-ils à poser pour mettre un terme à cette honteuse injustice fiscale et démocratique ?
Des chiffres qui donnent le vertige
Le 5 janvier 2010, le ministre canadien du Revenu, Jean-Pierre Blackburn, déclarait que les Canadiens avaient investi dans les paradis fiscaux des sommes totalisant 146 milliards de dollars en 2009, une augmentation substantielle par rapport au 88 milliards de dollars de 2003[1].
En 2000, selon la vérificatrice générale du Canada, 1,5 milliard de dollars ont ainsi échappé au fisc grâce à la seule entente d’amnistie fiscale avec la Barbade[2]. C’est comme si 50 000 contribuables canadiens n’avaient pas payé leurs impôts ! Combien de sommes supplémentaires échappent au fisc par l’entremise d’autres paradis fiscaux comme les Îles Caïman, le Panama, les Bahamas ? Rappelons que l’existence des paradis fiscaux ne relève pas de la fatalité, mais bien du laisser-faire des gouvernements, voire de leur complicité.
Une menace à nos États de droit
En plus d’être des outils d’évasion fiscale et de déresponsabilisation quant au financement des services publics, le secret bancaire et l’absence de réglementation inhérents aux paradis fiscaux constituent un repère pour le blanchiment d’argent. De telle sorte que l’on assiste, offshore, à un métissage grandissant entre les fonds de l’évasion fiscale et ceux de la fraude internationale et de la grande criminalité. Comme nous l’enseigne l’auteur Alain Deneault : « s’en tenir au problème offshore exclusivement en terme d’évasion fiscale, c’est faire l’impasse sur la façon dont ces fuites financières permettent précisément le financement d’organisations, de sociétés, d’acteurs, ainsi que des structures par lesquelles il devient de plus en plus aisé de dominer les États de droit et de mener hors la loi leurs politiques privées[3] ».
La façon dont les riches contribuables et corporations fuient leurs responsabilités fiscales est d’autant plus honteuse qu’elle masque le fait que leur avoirs ont être créés en utilisant nos services publics, nos infrastructures, notre système légal, notre main-d’œuvre bien formée et en santé.
Nous croyons que l’actuelle campagne électorale fédérale constitue un moment idéal pour questionner les différents partis politiques sur ces arnaques modernes à grande échelle. C’est pourquoi nous avons fait parvenir la question ci-dessous aux cinq principaux partis politiques en lice lors des élections fédérales. Nous avons également fait une demande au consortium des télédiffuseurs afin que les chefs soient interpelés sur cette question lors des débats télévisés des 12 et 14 avril prochains.
Quels gestes concrets les principaux partis politiques
fédéraux s’engagent-ils à poser pour mettre un terme à l’utilisation croissante des paradis fiscaux ?
[1] ALEPIN, Brigitte (2011). La crise fiscale s’en vient, Montréal, VLB éditeur, 160 p.
[2] Reportage de l’émission Enjeux diffusée à Radio-Canada en 2004, disponible au www.radio-canada.ca/actualite/enjeux/reportages/2004/040420/barbares.shtml.
[3] DENEAULT, Alain (2010). Offshore : paradis fiscaux et souveraineté criminelle, Éditions Écosociété, 120 p.