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La Directive sur la lutte contre l’évasion fiscale de l’Union européenne

La Directive intègre le Paquet de mesures contre l’évasion fiscale et consiste en une série de taxes dissuasives applicables à l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. La série de mesures permettra de taxer les revenus qui érodent la base d’imposition des pays membres. En d’autres mots, on applique plusieurs taxes ou mesures ciblées pour s’assurer que les revenus générés sur le territoire de l’Union européenne soient adéquatement taxés.
Cinq mesures seront en application à partir de 2019 :

  • Controlled foreign company rule. Dissuade le transfert de profits vers des juridictions à faible imposition. Il s’agit essentiellement d’un énoncé de taxe sur les profits détournés, quoique la règle n’indique pas quel serait le taux de cette taxe ou comment elle serait appliquée.
  • Switchover rule. Permet la taxation de dividendes rapatriés dans l’Union européenne si ces dividendes n’ont pas été convenablement taxés à l’étranger.
  • Exit taxation. Permet la taxation de la propriété intellectuelle ou de paiement de licence si la propriété intellectuelle est basée dans un paradis fiscal.
  • Interests limitation : Limite le taux d’intérêt des prêts accordés entre des entités d’un même groupe multinational dans le but d’éviter de l’impôt.
  • General anti-abuse rule. Dans le cas où un stratagème ne serait pas couvert par les quatre points précédents, tous les pays adopteront une règle commune afin de mieux capturer les stratagèmes d’évitement fiscal.

Finalement, une autre mesure s’ajoute, ayant pour but de contrer les hybrid mismatch arrangements. Ceux-ci permettent à une entité présente dans plusieurs législations de profiter des avantages fiscaux de toutes les législations et d’obtenir la double non-imposition.

Concrètement, ces mesures visent à optimiser le BEPS et les travaux de l’OCDE. Il s’agit en fait d’un super BEPS et qui a pour objectif de protéger le régime fiscal européen contre l’évitement fiscal opéré par les multinationales. À noter que cela comprend aussi d’autres mesures européennes, notamment un registre des bénéficiaires ultimes.

L’intérêt principal réside dans le fait que plusieurs pays soient prêts à mettre en place des formes de taxes dissuasives pour réguler le marché et mettre un frein à l’évitement fiscal. Si on revendique des mesures similaires (comme la taxe sur les profits détournés ou sur la propriété intellectuelle offshorisée), on pourra s’appuyer sur l’exemple de l’Union européenne. Mais surtout, c’est un argument pour exiger que le Canada fasse davantage que simplement appliquer le BEPS. En effet, l’Union européenne est la législation qui a adopté le plus de mesures contre l’évitement fiscal. C’est un signe que les temps changent et que l’attitude du Canada est d’une autre époque.

Pour en savoir plus : https://ec.europa.eu/taxation_customs/business/company-tax/anti-tax-avoidance-package_fr

 

La liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne

L’Union européenne a tenté de marquer un grand coup en 2017 en publiant une liste noire des paradis fiscaux. Cette liste noire était l’aboutissement de plusieurs audits avec plusieurs pays qualifiés de paradis fiscaux. L’Union européenne leur imposait un choix : améliorer leurs pratiques fiscales et leur transparence ou se retrouver sur cette liste. Le fait de se retrouver sur la liste n’amène toutefois aucune sanction.

Au moment de sa publication, la liste comportait 18 pays. En 2019, on en retrouve 15 : Aruba, Belize, Barbade, Bermudes, Dominique, Émirats arabes unis, Guam, îles Fidji, îles Marshall, îles Vierges américaines, Oman, Samoa, Samoa américaines, TrinitéetTobago. Les pays sont retirés quand ils démontrent aux auditeurs européens qu’ils sont en voie d’atteindre les critères de bonnes pratiques de l’UE, notamment la transparence, la coopération entre autorités fiscales, l’échange d’informations fiscales et l’inclusion au BEPS.

La liste de l’UE a été durement dénoncée pour ne comporter aucun pays européen problématique comme l’Irlande, le Luxembourg ou les Pays-Bas (seule la Suisse s’est retrouvée quelque temps sur la liste), tandis que d’autres pays aux pratiques douteuses ont été épargnés de tout audit (comme la Russie). Aussi, il y a lieu de se questionner quant à la rapidité à laquelle plusieurs paradis fiscaux ont subitement amélioré leur score. Finalement, la définition même de « pays non coopératif », qui est le critère de la liste noire, permet d’ignorer des paradis fiscaux plus complexes, comme les centres financiers mondiaux ou les zones franches.

En définitive, on peut avancer que si la liste noire a permis de mettre au pas certaines juridictions pour qu’elles adoptent des normes minimales de transparence et de coopération fiscale internationale, ce fut surtout un échec politique. Ne pas avoir inclus de paradis fiscaux européens a porté un rude coup à la crédibilité de l’exercice.

 

La GILTI Tax des États-Unis

La Global Intangible Low-Taxed Income (GILTI) consiste en un élargissement de la taxation américaine pour s’étendre aux revenus passifs de contribuables américains actionnaires dans des entités internationales (précisément les controlled foreign corporation), notamment des fiducies. La mesure est extrêmement complexe et technique, mais globalement, elle rend 100 % taxable ce genre de revenus selon certains critères, et s’applique aux actionnaires détenant 10 % et plus d’actions de l’entité. Elle est aussi immédiate, à savoir que si elle s’applique à un contribuable, elle doit être payée pour l’année fiscale en cours et le contribuable ne peut différer son paiement dans le futur.

Concrètement, l’effet de la GILTI est de faire en sorte que tout revenu ou profit déclarés à l’international par une multinationale ou des actionnaires américains soit minimalement imposé.

À noter que la GILTI Tax a été mise en place avec d’autres règles fiscales antiévitement dans la réforme des taxes du gouvernement Trump en 2017 :

  • Foreign-derived intangible income (FDII). Cette règle encourage le développement de revenus passifs sur le territoire américain sous la forme de déductions et d’allègement du GILTI.
  • Base erosion anti-abuse tax (BEAT). Cette règle attaque de front l’évitement fiscal par la manipulation des prix de transfert (et plus précisément, l’érosion de la base d’imposition quand une entité d’une multinationale paie à une autre entité étrangère du même groupe des sommes déductibles d’impôt aux États-Unis).

En définitive, l’ensemble de ces mesures élargit la base d’imposition pour s’assurer que les profits américains soient minimalement taxés.

L’intérêt d’une telle mesure pour le Canada consisterait à harmoniser notre cadre fiscal international avec celui des États-Unis. Le taux de taxation de la GILTI Tax pourrait même être augmenté dans le futur (ce qui est prévu aussi aux ÉtatsUnis) afin de décourager de plus en plus les pratiques d’évitement fiscal. Plus largement, l’intérêt d’une telle mesure est qu’il s’agit d’un autre exemple d’action musclée d’une autorité fiscale dotée de moyens pour taxer une portion des revenus qui évitent le fisc.